Les pourboires en restauration en France : culture, réglementation et bonnes pratiques

Le pourboire est un pilier de la culture de la restauration : il récompense le serveur pour la qualité de son service, tout en renforçant le lien entre clients et personnel. En France, sa portée est toutefois plus mesurée que dans des pays comme les États‑Unis. Cette analyse revient sur l’origine du pourboire, la distinction entre service et gratification volontaire, le cadre légal en vigueur et la manière dont la pratique se déploie réellement sur le terrain.

les pourboires en restauration en France : un homme donne un pourboire à une serveuse

Origine et définition des pourboires

Le terme pourboire vient du XVIIe siècle. À l’époque, le client laissait quelques pièces « pour boire » à l’aubergiste, une gratification personnelle qui n’était pas intégrée à l’addition. Aujourd’hui, le pourboire est toujours une somme volontaire versée au serveur ou au barman en supplément du règlement ; il peut être donné en espèces ou via le terminal de carte bancaire. Contrairement à d’autres pays, il n’est ni obligatoire ni systématique en France : sur l’addition figure généralement la mention « service compris » qui inclut un pourcentage (environ 15 %) servant à rémunérer le personnel. Cette distinction est essentielle : il existe un service intégré et un pourboire volontaire laissé par le client.

Cadre légal : du service au pourboire volontaire

Service compris et pourboire obligatoire

Le service est parfois appelé à tort pourboire obligatoire. Il est intégré à la note et la mention « prix service compris » doit apparaître sur les documents commerciaux. Il est assimilé à un salaire brut et donc soumis à la TVA et à toutes les charges sociales.

Pourboire volontaire et exonérations

Le pourboire volontaire est la somme laissée librement par le client, en espèces ou par carte. Depuis 2022, la loi française encourage cette pratique pour rendre les métiers du service plus attractifs. Un dispositif d’exonération temporaire, confirmé par l’article 7 de la loi de finances pour 2025, supprime les charges sociales et l’impôt sur le revenu sur ces pourboires pour les salariés rémunérés en dessous de 1,6 x le SMIC. L’Urssaf précise que cette mesure s’applique aux salariés en contact avec la clientèle dans l’hôtellerie‑restauration. Elle exclut les travailleurs indépendants ainsi que les sommes automatiquement ajoutées à l’addition (« pourcentage‑service »). 

Pour bénéficier de l’exonération, trois conditions doivent être réunies : 

  • Le salarié doit être en contact avec la clientèle ;
  • Les pourboires représentent moins de 20 % de sa rémunération totale ;
  • La rémunération du salarié n’excède pas 1,6 x le SMICfrancenum.gouv.fr.

Même exonérés, les montants doivent apparaître dans la déclaration sociale nominative (DSN) et dans le revenu fiscal de référence. Les employeurs qui centralisent les pourboires doivent tenir un registre de répartition et ne peuvent garder ces sommes pour eux. 

Réalité des pourboires en espèces

Si la loi encadre strictement les pourboires déclarés, la réalité du terrain est souvent plus nuancée. Les pourboires remis en espèces échappent par nature à tout contrôle et ne font l’objet d’aucune traçabilité. En pratique, les sommes laissées en liquide sont rarement déclarées et n’apparaissent pas dans la comptabilité des restaurants. 

Ce « flou » est toléré par l’administration française : les pourboires en espèces sont exclus de la TVA et des charges sociales tant qu’ils demeurent une gratification spontanée. Toutefois, cette opacité favorise les inégalités de répartition entre équipes et limite la reconnaissance officielle de ces revenus.

Pratique du pourboire : habitudes et montants

En France

Selon un sondage YouGov, 37 % des Français disent laisser un pourboire au restaurant, contre 77 % des Américains et 59 % des Britanniques. En France, près d’un quart des clients ne laissent jamais de pourboire. La pratique reste donc occasionnelle et demeure un geste de reconnaissance plutôt qu’une obligation.

La somme laissée varie selon le type d’établissement et la région. Les guides recommandent généralement 5 % à 10 % de l’addition dans un bistrot ou une brasserie classique, davantage dans des établissements haut de gamme. Selon TF1 Info, les clients des régions Grand Est et Île‑de‑France laissent en moyenne 6,8 % du total, tandis que la moyenne nationale atteint 4,8 %

Et à l’international ?

Les règles de pourboire varient d’un pays à l’autre. Aux États‑Unis et au Canada, le pourboire constitue une part importante du revenu des serveurs, et il est courant de laisser 15 % à 20 %, voire plus, pour un service correct. En France, la rémunération des serveurs est assurée par le salaire et la part « service compris » ; le pourboire reste un bonus pour un bon service. Comparée aux États‑Unis et à l’Allemagne (où 78 % des personnes déclarent donner systématiquement un pourboire), la France se distingue par son caractère optionnel.

Distribution et gestion des pourboires

Les restaurants adoptent différentes stratégies pour répartir les pourboires. Certaines maisons permettent aux serveurs de garder l’intégralité de ce qu’ils reçoivent, tandis que d’autres mettent en place un pot commun réparti entre toute l’équipe, y compris les cuisines et le bar. Des formules hybrides existent (50 % pour le serveur, 50 % pour le pot commun) ou une répartition au prorata du temps de présence. L’important est d’établir une politique claire et transparente pour éviter les frustrations entre collègues.

L’essor du pourboire digital

Avec la chute de l’usage des espèces et la généralisation des paiements sans contact, le pourboire digital prend son essor. Depuis 2022, les pourboires laissés par carte bancaire sont exonérés de charges sociales (en tout cas jusqu’au 31 décembre 2025) francenum.gouv.fr. Le gouvernement encourage les restaurants à adopter des terminaux proposant au client d’ajouter un pourboire sous forme de pourcentage ou de montant fixe francenum.gouv.fr. Selon un reportage de TF1, ce dispositif va jusqu’à multiplier par trois le nombre de pourboirs dans certains établissements. 

Conseils pratiques pour les restaurateurs

  • Informer clairement les clients : la mention « service compris » doit apparaître sur l’addition et la carte pour éviter toute confusion. Expliquez que le pourboire reste facultatif et vient récompenser un service attentif.
  • Mettre en place un système de répartition transparent et équitable. Prévenez les salariés de la politique choisie (garder son pourboire, pot commun ou partage au prorata).
  • Adopter le pourboire digital : configurez vos terminaux pour proposer des suggestions de montants. La possibilité de sélectionner 5 %, 10 % ou 20 % simplifie le geste pour les clients.
  • Veiller à la conformité comptable : même exonérés, les pourboires doivent être déclarés et figurer dans la comptabilité. Respectez les obligations d’enregistrement et de déclaration pour éviter des sanctions.

Conclusion

En France, le pourboire reste un signe de satisfaction et non une obligation. Le cadre légal distingue le service (intégré à l’addition) du pourboire volontaire, bénéficiant jusqu’en fin 2025 d’une exonération fiscale sous conditions. Cette culture spécifique explique des pratiques plus modérées qu’aux États‑Unis ou en Allemagne, où la majorité des clients donnent toujours un supplément. 

Pour les restaurateurs, les conseils clés sont de communiquer clairement, d’instaurer une politique de répartition équitable et de tirer parti des solutions digitales pour faciliter la générosité. Dans un secteur en tension, le pourboire digital peut devenir un atout pour attirer et fidéliser des équipes tout en offrant un meilleur service aux clients.

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